Sergio POLI | Cours
de linguistique française .5. |
Double
articulation.2. |
.5.
DEUXIEME PARTIE : LE SIGNIFIANT
LA DOUBLE ARTICULATION (1)
La deuxième articulation
- mur # dur
- fers # vers ---------> f, v
- mère # mare ------->è
,a
- cane # cage ? n, g (=/? /)
- etc.
Comme on le voit, les phonèmes n’ont plus aucun signifié, mais leur présence, leur commutation ou leur absence modifie le sens des monèmes, et de toute la chaîne parlée. Ces unités ont une forme phonique, qui n’est qu’accidentelle (l’épreuve : la transcription graphique de ces mêmes phonèmes ; l’alphabet des sourds-muets), mais elle est quand même importante car toutes les langues humaines sont vocales. N’ayant pas de signifié, les phonèmes ne sont plus de véritables « signes », et leur importance est surtout « économique » et fonctionnelle. Chaque langue possède en effet un nombre limité de phonèmes (d’une vingtaine à une cinquantaine suivant les langues) grâce auxquels, par le jeu des combinaisons on peut créer une série virtuellement infinie de messages ayant un sens.
Dans les autres systèmes de communications non humains ou humains cette caractéristique n’apparaît pas : ou l’on possède un cri/geste pour chaque concept (et alors les possibilités d’expressions sont réduites à cause d’une gamme limitée de signifiants et d’une réduite capacité de mémorisation : singes, oiseaux, alphabet morse, car chaque petite combinaison a un sens complet ; signaux routiers ; etc.) ; ou l’on possède des unités discrètes et minimales, mais on ne possède pas des combinaison intermédiaires ayant un sens fixe et précis, et passibles d’être recombinées à leur tour dans d’autres messages, gardant toujours le sens établi, comme il arrive pour les unités de première articulation : c’est le cas de la musique. |
Les phonèmes,
malgré l’absence de signifié, possèdent toutes
les caractéristiques des signes linguistiques. En particulier :
1. les phonèmes sont des unités discrètes
(ils ne valent que par leur présence ou leur absence)
2. ils s’opposent mutuellement les uns aux
autres en différents points de la chaîne parlée pour
distinguer les messages les uns des autres
3. les caractéristiques sonores des différents phonèmes
sont très diverses, mais seulement quelques-unes sont
importantes, car seulement quelques- unes de ces caractéristiques
ont une *fonction distinctive. Ces caractéristiques « fonctionnelles
» du point de vue de la communication dans une langue spécifique
forment les traits distinctifs des phonèmes
de cette langue, qui pourraient être appelé aussi traits *pertinents.
a. Les traits distinctifs
En effet, les
phonèmes étant des unités sonores, ils possèdent
les caractéristiques typiques de tout son, des caractéristiques
qui leur viennent aussi des organes qui sont employés pour les créer
(langue, bouche, palais, lèvres, etc.): longueur, sonorité,
ampleur, liquidité, labialité, etc. . Ces caractéristiques
sont étudiées par la phonétique
(voir fin de paragraphe), qui essaie de les mesurer exactement
d’un point de vue physique : pour la phonétique
non seulement un phonème « x » est différent d’un
phonème « y », mais il change quand il est prononcé
par des personnes différentes, ou par le même individu dans
des occasions différentes . Par ex. :
« a » peut être prononcé antérieurement
ou postérieurement (/a/ ou /?/);
« i » peut être long ou court ;
« r » peut être roulé, uvulaire, etc. (ex. : /R/
ou /r/, etc.)
Les changements
individuels, importants d’un point de vue phonétique , ne le
sont pas d’un point de vue phonologique
(la phonologie est la science qui étudie
les phonèmes): il ne s’agit généralement pas,
en effet, de changement « fonctionnels », mais de changements
qui concernent des traits non- pertinents.
P. ex. : en français (et en italien) on peut prononcer « rime
» avec un « r » uvulaire (« grasseyé »,
à la française) ou apicale (« r roulé »,
vibrant, à l’italienne). Le mot ne changera pas de sens, et
il sera en tout cas compris par l’interlocuteur. De même, en
italien on pourra prononcer « rima » avec un « r »
uvulaire, sans peur de malentendu. Mais si à la place de «
r » je mets « l », de la « rime » on passe
à la « lime » : ce changement a entraîné
la substitution d’un trait distinctif du français par un autre.
REMARQUEZ :Ces traits distinctifs ne sont pas les mêmes pour toutes les langues. En chinois. Par exemple, « l » et « r » ne se «distinguent » pas , comme le montrent les caricatures du français ou de l’italien parlé par des prétendus chinois). De même, en chinois il n’y a pas de différence entre sourdité et sonorité, comme il arrive au contraire pour les l. romanes (/p/ >< /b : pain # bain). Certains traits sont donc pertinents dans une langue, et non pertinents dans l’autre. |
Un peu
de « r » et de phonologie : http://occitanet.free.fr/ling/ruvuauv.htm http://www.cvm.qc.ca/saide/bst/octobre03/linguistique/uvulaire.htm http://www.unige.ch/lettres/linge/moeschler/ilf1/ilf1-6.pdf |
b. Traits distinctifs et pertinence
La notion de pertinence est fondamentale dans n’importe quel domaine : en linguistique comme en informatique, ou dans toutes les classifications des sciences naturelles. La pertinence se confond parfois avec l’utilité (ce qui est utile dans une certaine situation, est aussi pertinent : d’où la notion de « pertinence contextuelle », liée au contexte.
La
pertinence est liée à un point de vue spécifique
: le même objet peut être décrit différemment
dans des domaines différents : ex. le blé. Pour l’agronomie,
ou pour l’économie, ce qui intéresse, ce sont
le rendement, la résistance au climat au à certaines
maladies, etc. ; la botanique s’intéresse à autre
chose, etc. De même, le chat du zoologiste et le chat de ma
tante ...ne sont pas le même chat... (la pertinence n’agit
pas qu’au niveau scientifique...) etc? La pertinence n’est
pas la même, par ex., pour la phonologie et
pour la phonétique ! |
Les phonèmes
d’une langue forment donc un système défini et spécifique
; et les traits distinctifs font partie de ce système (système
: signes stables + règles stables d’opposition).
La « pertinence » et le fait que les phonèmes font partie
d’un système où tout est en relation mutuelle (un phonème
n’existerait pas sans s’opposer aux autres) expliquent :
1. le nombre différent des phonèmes d’une langue à autre ;
2. le fait qu’en réalité il n’existe pas de phonèmes identiques dans deux langues différentes, car chacun se définit par rapport aux autres phonèmes de la langue d’appartenance, à l’intérieur d’un système déterminé : ex. / s / français et / s / espagnol ne peuvent pas correspondre.
En
effet “s” fr. sourd (/s/) s’oppose à «
s » sonore (/ z /) (rosse#rose ; russe#ruse), ce qui n’arrive
pas en espagnol (où il n’existe que le seul « s
» sourd). Donc, les traits pertinents qui me servent pour une
distinction-définition du phonème, seront, en français
: /s/ = consonantique (car dans le système du français il s’oppose à des voyelles), non-vocalique (parce que “l” et “r” ont des caractéristiques typiques des voyelles, mais « s » non), dental (car il y a des consonnes non-dentales), fricatif (idem), non-voisé (=sourd : en effet il y a dans le système la présence du /z/ voisé (=sonore)...). Ce dernier trait n’appartient pas au phonème espagnol (quand on le prononce /z/, c’est une variation comme pour nous /r/ ou /R/ : ce n’est pas une opposition !). |
En outre, les paradigmes phonémiques sont différents dans les diverses langues (v. plus haut)
3. Les traits distinctifs, qui ne constituent pas de véritables “unités”, car il n’ont pas d’existence autonome, mais constituent des “accidents”, des “qualités”, contribuent à démultiplier les facteurs combinatoires de la langue (ils sont toujours en nombre inférieur par rapport aux phonèmes. Chaque phonème n’est en réalité qu’une combinaison de quelque traits distinctif de base !)
4.
A l’intérieur d’une langue, les phonèmes peuvent
être intégrés ou non intégrés
:
> phonèmes intégrés :
qui ont un ou plusieurs traits distinctifs en commun, et qui ne se distinguent
donc que de façon partielle (P et B et M sont des bilabiales (trait
pertinent commun), qui se distinguent par la sourdité - sonorité
- nasalité, constituent les traits distinctifs par lesquels elles
s’opposent);
> phonèmes
non intégrés : ceux qui n’ont pas de traits
pertinents communs avec les autres. Pour le français : “l”
et “r”.
ex. : le “l” français :description
phonétique : apical (qui se prononce en rapprochant la pointe
de la langue de la partie antérieure du palais), latéral (l’air
passe des deux côtés de la langue, entre la langue et le palais,
tandis que la pointe de la langue reste en contact avec le palais), aussi
bien sonore (lac, pelle, salade, alerte) que sourd (boucle, souple).
description phonologique : un seul trait pertinent : la latéralité,
qui oppose “l” à tous les autres phonèmes du français.
L’apicalité, en effet, n’est pas pertinente : il n’existe
pas en français une autre latérale non-apicale. La sonorité
et la sourdité ne peuvent pas non plus, en ce cas, distinguer des
paires minimales La latéralité suffit donc pour distinguer
“l”.
http://www.unige.ch/lettres/linge/moeschler/publication_pdf/grice.pdf
.(pragmatique
contextuelle)
3. Les phonèmes du français
La partie de la phonologie qui s’occupe des phonèmes est la phonématique. L’autre branche de la phonologie s’occupe de la prosodie (durée, intensité et mélodie).
La phonématique peut être synchronique, quand elle s’occupe d’analyser et d’inventorier les phonèmes d’une langue (voir le paragraphe suivant), ou d’étudier les règles qui commendent leurs associations (voir le début du chapitre suivant. Elle est diachronique quand elle étudie les modifications des phonèmes dans le temps, sous la pression de facteurs externes (sociaux, géographiques, linguistiques) et internes (tels que la « loi du moindre effort », ou « d’économie », qui tend à réduire l’effort articulatoire et, par conséquent, la nature et le nombre des phonèmes. |
Le choix des traits pertinents des phonèmes a une base phonétique : ces derniers sont en effet des sons, produits par des organes phonatoires (bouche, lèvres, etc.) et selon certaines modalités qui leur confèrent toutes leurs caractéristiques.
A. Voyelles du français standard
Le classement des voyelles selon les traits pertinents ne trouve pas toujours
d’accord les spécialistes : les voyelles en effet ne sont pas
prononcées à partir de points d’articulation précis,
mais plutôt en variant leur localisation (plus vers l’avant
# plus vers l’arrière de la cavité buccale), en variant
l’espace entre la langue et le palais, etc. On passe de l’une
à l’autre avec une certaine continuité. Ceci explique
les différences des descriptions d’un auteur à l’autre,
différences dues à des hiérarchisations divergentes
des mêmes éléments phonologiques, et/ou à une
terminologie non parfaitement coïncidente.
Nous retiendrons que pour les voyelles on doit tenir compte de 4 dimensions
articulatoires :
1. la zone d’articulation (position de la langue :
antérieure (i), centrale (a, oe), postérieure : ou). (Quelques
spécialistes parlent de « localisation » : avant # arrière)
2. l’aperture (le degré d’ouverture, dépendant
de la distance entre langue et palais). On distingue 4 niveaux : fermé
(i), semi-fermé (é), semi-ouvert (è), ouvert (a)….)
3. position des lèvres (labialité) : arrondies (o) # non arrondies
(i)
4. nasalité (les nasales)# oralité (les orales « correspondantes
»)
Pour les
systèmes vocaliques on se réfère normalement à
l’image d’un triangle, axé sur les deux dimension de
l’aperture et du lieu d’articulation (aux trois sommets :
A, I, U). Les voyelles se situent sur les coté du triangle, de
/A/ à /I/ en passant par /é/ et /è, et de /A/ à
/U/ en passant par /o / ouvert et /o/ fermé.
Pour le français, vue l’existence des nasales, de voyelles
« centrales » (/ø/, / œ/), etc., on parle volontiers
de « trapèze ». Cette forme géographique devrait
t représenter la position approximative des organes articulatoires
(principalement la langue dans le cas des voyelles) lors de leur production.
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[http://www.sfu.ca/fren270/Phonetique/trapze.htm ; http://it.wikipedia.org/wiki/Immagine:Ipa-chart-vowels.png ]
Voir
pour l’interprétation du système vocalique : http://www.sfu.ca/fren270/Phonetique/trapze.htm http://www.loria.fr/~crabbe/doc/slideslsc.pdf http://www.linguistes.com/phonetique/phon.html http://www.ac-nancy-metz.fr/cefisem/docprimo/Outilsclasse/PHONET.pdf http://www.exuna.net/ipa.php pour l’italien : http://www.110elode.it/materiale/15/15_1.pdf http://www.italicon.it/modulo.asp?M=m00199&S=4&P=4 paragone francese-angloamericano http://courseweb.edteched.uottawa.ca/Phonetique/Aix2000/tableaux.html pour le français http://w3.uniroma1.it/cogfil/fonosimbolismo.html |
B. Consonnes du français standard
Pour le classement
des consonnes, on part de trois dimensions articulatoires principales :
1. la participation (sonorité) ou la non participation (sourdité)
des cordes vocales à l’émission du son (« P »
sourd # « b » sonore, « t »# « d »,
etc. ) ;
2. les lieux d’articulation : les lèvres, les dents/alvéoles,
la langue, le palais, le « voile » (palais postérieur),
la luette (bilabiales, labiodentales, apicaales, palatales, velaires, uvulaires,
etc.);
3. les modes d’articulation : occlusives, fricatives, sonnantes (latérales),
vibrantes, nasales.
On aboutit ainsi à des tableaux phonologiques avec quelques variations,
ici aussi, de terminologie, dont on donne des exemples ci-dessus :
Voir
à ce sujet les sites : http://www.ph-ludwigsburg.de/franzoesisch/overmann/baf3/phon/consonne.doc http://www3.unileon.es/dp/dfm/flenet/phon/phoncours2.html |