Sergio POLI | Cours
de linguistique française .11. |
La
sémantique |
QUATRIEME PARTIE : LE STYLE
LA STYLISTIQUE.
1
Fonctions du langage et rhétorique
Quand
du signifiant et du signifié on passe à un énoncé
où le jeu des interactions et des relations se fait plus complexe,
on entre dans le monde du discours et du texte, où il existe des dimensions
que la linguistique « scientifique » n’a commencé
à analyser que récemment. L’un des problèmes centraux
est celui de l’utilisation du langage à l’intérieur
d’un texte, qui met en jeu la « parole » Saussurienne
(langue vs parole) : c’est un problème qui renvoie d’un
côté aux «sous-systèmes » de la langue (la
langue et l’époque, la langue et les classes sociales, les traits
régionaux de la langue) constituant les réservoirs de matériaux
où puisent les locuteurs individuels; de l’autre la typologie
des textes eux-mêmes ; enfin les productions individuelles réalisées
à partir de ces mêmes réservoirs et s’encadrant
dans une typologie plutôt que dans une autre . Ces productions individuelles
font l’objet des analyses de la stylistique.
http://www.cafe.umontreal.ca/~sr/ur/fr302/c-sty.htm
La
stylistique est la branche la plus récente, et donc la moins développée,
de la linguistique. En effet, elle nous introduit dans un domaine qu’il
est presque impossible d’analyser par les moyens de la linguistique
structurale (recherche des unités minimales ; commutations ; traits
pertinents ) mais qui, depuis très longtemps, est le terrain de chasse
de l’ancienne rhétorique, qui prend en considérations,
en les cataloguant, les « formes » du discours ; et qui ne peut
pas être étudiée sans avoir recours à la notion
de fonction du langage, comme elle a été
élaborée dans le cadre de la théorie de al communication.
Contexte (ou référent)
Destinateur ---------------------------------Message--------------------------------------Destinataire
Contact
Code
Selon
que la communication est centrée prioritairement sur l’un ou
l’autre de ces éléments sont exercées les fonctions
suivantes :
1. Quand elle est centrée sur le destinateur
(locuteur ou scripteur), la fonction dominante est dite fonction émotive
(ou expressive). Elle est présente dans l’interjection,
l’exclamation, la poésie lyrique…
2. Quand elle est centrée sur le destinataire,
la fonction dominante est dite conative ( du verbe
conor latin = « je m’efforce »). Elle se manifeste par l’usage
de l’impératif, dans le discours publicitaire, électoral,
judiciaire…
3. Quand elle est centrée sur le contexte ou référent,
la fonction référentielle permet de parler
du monde (discours scientifique, relation, description…)
4. Quand elle est centrée sur le contact
il s’agit de la fonction phatique par laquelle le locuteur
gère la prise de contact, le maintien de celui-ci et signale que le
contact va s’interrompre ( « Allô ! » « Bonjour
», « Au revoir », « n’est-ce pas ? »…).
Chaque fois que l’on « parle pour ne rien dire » c’est
cette fonction qui est exercée.
5. Quand elle est centrée sur le code on
met en œuvre la fonction métalinguistique : on
utilise le langage pour parler de celui-ci. Un dictionnaire ou une grammaire
sont de nature métalinguistique mais dans la vie courante toute reformulation
ou toute demande de reformulation sont également de nature métalinguistique.
6. Quand elle est centrée sur le message
elle met en œuvre la fonction poétique, ou esthétique
par laquelle la formulation même du message accroche l’attention
du récepteur : c’est le cas de la poésie avec ses rimes,
ses assonances, ses métaphores… mais c’est aussi le cas
du calembour, du jeu de mots, bref de toutes les utilisations ludiques du
langage que l’on peut trouver par exemple dans le slogan publicitaire
ou électoral, fait justement pour retenir l’attention.
On voit par cet exemple que ces fonctions ne jouent pas de façon exclusive
et que l’une peut être mise au service de l’autre : la fonction
poétique au service de la fonction conative pour la publicité
. C’est en tout cas sur cette fonction « esthétique »
que se concentre surtout l’analyse stylistique.
2. La rhétorique
Les questions
fondamentales qui se posent dans ce domaine concernent ce « je ne
sais quoi » que le message poétique possède et que les
autres ne possèdent pas. Elles peuvent être de nature différentes,
mais on peut les résumer de cette façon :
1. Comment on doit écrire/parler pour produire un message «
poétique » ?
2. Pourquoi ce message est-il efficace ? Comment agit-il sur le lecteur-récepteur?
3. Pourquoi l’auteur écrit-il ?
La question (3) fait l’objet des enquêtes de la « stylistique génétique », qui cherche ses réponses sur le plan social (raisons politiques/sociales), moral (pour peindre l’homme) ; philosophique (pour chercher à exprimer le reél absolu), psychanalytique (pour délivrer les phantasmes personnels), purement esthétiques (pour suivre un rêve de beauté, art pour l’art), etc.. Il faut souligner dans ce domaine la variété des réponses possibles, leur validité partielle, l’impossibilité de trancher la question et la nature non-linguistique de l’analyse.
Les autres deux questions (1,2) sont celles que se posent les différentes « théories du style », dont la plus ancienne, la rhétorique, remonte à l’Antiquité et a été renouvelée à partir du XXe siècle.
a.
Qu’est-ce que la rhétorique ?
Aristote définissait la rhétorique comme l’art
de persuader : c’était l’art des orateurs
qui, dans la vie de la cité grecque, exerçaient cet art à
des fins politiques, par des discours « judiciaires » (les procès),
« épidictiques » (de louange) et « délibératifs
» (pour prendre des décisions). C’est donc un art «
performatif » et concret, à propos duquel il est important
de souligner ce qui suit:
1. il montre une grande confiance dans le pouvoir de la parole
: par lui, l’orateur vise à influencer un auditoire, et pense
qu’il peut y arriver ;
2. pour ce faire, l’orateur doit utiliser des stratégies
argumentatives ;
3. la rhétorique présuppose des situations concrètes
de communication : les publics ne sont pas toujours les mêmes.
Chaque public a une composition spécifique, et donc une mentalité,
des croyances, des goûts, etc. En outre, l’acte de communication
s’insère dans un cadre spatio-temporel déterminé,
capable d’orienter ces stratégies ; enfin, chaque situation
exige des choix plus que d’autres. Dans cette optique, les discours
« judiciaires », « épidictiques »et «
délibératifs » renvoient à des « situations
de communications » différentes et aux publics différents
qui se rencontraient à l’intérieur de la « polis
» grecque: celui des juges, qui décide des événements
passés, celui des assemblées « politiques » ;
celui des spectateurs « génériques » qui pouvaient
admirer l’habileté de l’orateur.
4. parmi les stratégies argumentatives, il y en a de « formelles
» (les « figures » : le terme est inexact, car les figures
se fondent aussi sur la « pensée », mais elles traduisent
la pensée en « formes » reconnaissables) ; de «
culturelles » (choix des sujets, qui implique toujours le recours
aux « lieux communs » qui soient partagés par tous, pour
développer l’argumentation à partir de valeurs et d’idées
communes) et de « relationnelles » (l’orateur se «
met en relation » avec son public, en se présentant, en donnant
une certaine image de lui-même. C’est l’ « ethos
» d’Aristote : « ethos »=carattere) ;
5. La confiance envers le pouvoir la parole, et l’idée que
la rhétorique est un art implique aussi l’idée qu’un
art peut être enseigné, par un effort de classification et
de règles : dans les traités de rhétoriques les figures
sont donc classées selon différents systèmes, et le
discours rhétorique lui-même est classé en parties qui
constituent autant d’étapes d’exposition :
inventio, dispositio, elocutio, memoria, actio.
6. Même en rhétorique, enfin, les « fonctions du discours
» ont droit de cité : les buts traditionnels, en effet, sont
« docere », « movere » « delectare »
http://plmaloss.club.fr/figures.htm
http://serieslitteraires.org/publication/article.php3?id_article=10
http://www.ensayistas.org/critica/retorica/ruiz/discurso.htm
http://www.dirittoestoria.it/3/TradizioneRomana/Martini-Antica-Retorica-Giudiziaria.htm
http://digilander.libero.it/pieropolidoro/metafora/metafora1.pdf
b. Les parties
de la rhétorique
Les parties
de la rhétorique « classique » constituent autant d’opérations
que l’orateur doit accomplir pour bâtir son discours. Il s’agit
d’étapes « logiques » et chronologiques à
la fois :
1. inventio : c’est l’ « invention »,
la recherche des arguments aussi bien pour convaincre (et alors,
parmi les arguments il faut aussi trouver les « preuves » -
concrètes, juridiques, ou logiques- et se servir d’exemples
ou de raisonnements –syllogismes, entymèmes, etc.-) que pour
émouvoir. Pour mieux convaincre, voilà aussi le recours
aux topoï, les lieux communs, très utiles pour trouver
un terrain d’entente préalable avec le public, pour servir
de points d’articulation des raisonnements ; en outre, c’est
grâce à « passion » (qu’il faut exciter dans
les spectateurs) et au « caractère » (que le locuteur
doit montrer à son public : sagesse, justice, honnêteté,
amabilité) que l’orateur peut parvenir à conquérir
le coeur de son public.
2. dispositio : une fois choisis les arguments, il faut
les ordonner à la place qui convient le mieux, en suivant un
plan capable de mettre en relief...ou de nuancer et même de cacher
suivant les intentions de l’orateur. Selon Aristote, la dispositio
pouvait se diviser en quatre parties : au début et à la fin,
l’exorde et l’épilogue, où domine l’appel
aux sentiments du public ; au centre, la narratio, où l’orateur
expose ses arguments, et la confirmatio, où il montre le
bien fondé de ses preuves, qui doivent s’appuyer sur la rationalité.
3. elocutio: c’est la phase de la transformation
concrète des arguments et des schémas en discours. Traditionnellement,
l’ « elocutio » se divise en electio (le choix
des mots) et en compositio (le réunion des mots en phrases
et en périodes). L’electio est l’art de choisir
et d’arranger les mots pour frapper, par le beau et l’inattendu,
le public (ses moyens sont les tropes et les figures) ; la compositio
est l’art de la phrase, qui peut être géométrique,
harmonieuse, mouvante, dynamique.
4. memoria : pour l’orateur, c’est un élément
indispensable. Il doit connaître par coeur son discours, avec tous
ses développements et ses détours. Il doit le connaître
si bien qu’il doit être en mesure de le modifier, d’en
intervertir les parties, etc., pour répondre aux exigences de son
public et de la situation ;
5. actio, ou pronuntiatio : c’est ce qui concerne
la « mise en pratique ». la voix, les gestes, les expressions
et les yeux. Le discours exige une véritable m ise en scène.
Le lien entre ces deux dernières parties et le caractère très souvent « oral » de la rhétorique ancienne est évident : c’est pourquoi la mémoire et l’action ont été souvent sous-estimées par la suite, dans les traités de l’âge de l’imprimerie. Il est tout aussi évident que c’est la troisième partie, l’élocution, qui a surtout servi de point de repère pour les analyses du « style » écrit, où les tropes et les figures gardent toute leur valeur et efficacité.
http://perso.wanadoo.fr/patrick.nadia/Rhetorique.html
http://www.etudes-litteraires.com/cours-rhetorique.php
http://members.xoom.virgilio.it/AndreaZoia/approfondimenti/retorica.1.htm
http://www.webalice.it/gaverg/retorica.htm
http://www.skuola.net/latino/oratoria.asp
http://it.encarta.msn.com/encyclopedia_761574514/Retorica.html
c.
Tropes et figures
Les « figures » offrent à l’orateur les instruments
pour donner force et beauté au discours. « Tropes » et
« figures » aujourd’hui sont considéré comme
des synonymes ; dans la rhétorique ancienne les tropes (qui signifie
« direction », et qui était utilisé pour indiquer
un détournement du sens des mots : des « changements de direction
») concernaient les « figures de mot » et s’opposaient
aux « figures de pensée » et aux « figures de construction
».
Les figures ont été classées en différentes façon. On peut proposer celle qui suit, dans le seul but de montrer un exemple significatif :
1. Figures de pensée : elles concernent la forme d’un énoncé entier. Elles peuvent être d’ « imagination » (la prosopopée, qui attribue des qualité humaines à des objets, des animaux, etc. ; la personnification ) ; de « raisonnement » (la concession, le paradoxe, l’ironie, l’antithèse) ; de « développement » (la description, la similitude, etc.) ;
Quant
à la prosopopée, en français et en italien il
y a des différences : "La prosopopea, o personificazione, è una figura retorica e si ha quando si attribuiscono qualità o azioni umane ad animali, oggetti, o concetti astratti. Spesso questi parlano come se fossero persone. È una prosopea anche il discorso di un defunto. Un esempio di prosopopea si ha nelle "Catilinarie" di Cicerone in cui egli immagina che la Patria sdegnata rimproveri Catilina, reo di aver organizzato una congiura contro di essa". http://www.encyclopedia.it/p/pr/prosopopea.html |
2. figures
de signification (tropes) : qui concernent le changement du
sens des mots : métonymie, métaphore, synecdoque (variété
de métonymie), hyperbole (souffrir toutes les douleurs du monde ;
briller de mille feux, etc.), litote (Chimène dans le Cid : va, je
ne te hais point = je t’aime... ; ce garcon n’est pas trop intelligent...une
figure semblable : l’euphémisme) ;
3. figures de construction: elles intéressent
l’ordre des mots à l’intérieur de la phrase. Par
exemple l’ellipse, qui supprime des mots ou des phrases dans un récit
:
« En pleine réaction. Jésuites. Montalembert. Parti
de l'inquisition. Le passé redevient féroce. »
(Victor Hugo, Choses vues, posth., 1887-1900.)
le zeugma, où dans plusieurs énoncés successifs de
même organisation, l’un des termes n’est exprimé
qu’une fois (l’un mangea la soupe, l’aute un camembert
et le dernier une orange). Par cette figure on peut créer un effet
amusant, mais on peut aussi commettre une faute grave, notamment à
l'écrit.
Voir
ces autres définitions de zeugma : -« Rupture brutale, effet de surprise la chaîne textuelle, c'est un zeugma : « pour faire un bon fils, il faut un bon père et un bon camember »t. Le zeugma est constitué d'éléments sémantiques peu cohérents » (http://jaseur.free.fr/jaseur/figure.htm); - « Figure de style qui consiste à lier par la syntaxe deux mots ou groupes de mots dont un seul se rapproche logiquement au verbe. Les deux mots liés syntaxiquement peuvent être incompatibles parce que l'un est abstrait et l'autre concret («Un livre plein de charme et de dessins»; «il a posé une question et son chapeau») ou parce qu'ils font appel à des sens différents du verbe : «Retenez cette date et une place dans le train». connu est donné par Victor Hugo : « Vêtu de probité candide et de lin blanc. (http://www.lettres.net/files/zeugma.html). |
encore : chiasme
(disposition en croix), anaphore, etc.
4. figures de rythme , concernant les effets phonétiques
: assonance, qui désigne la répétition d'un même
son voyelle dans un énoncé (« Sous le ciel grand ouvert
la mer ferme ses ailes » (Eluard). .allittération (répétition
d'un même son consonne : «Pour qui sont ces serpents qui sifflent
sur vos têtes») ;
5. figures d’élocution , qui concernent
le choix des mots convenant à l’expression de la pensée
: répétition ; synonymie, asyndète,,
6. figures de diction où l’on modifie
la forme des mots (encor [apocope]; avecque[aphérèse] ;M’sieur
[syncope], etc.)
Les typologies de classifications sont toutefois, comme on l’a dit, très nombreuses. La consultations de dictionnaires de linguistique et de rhétoriques, ou simplement de sites web où il est question de figures pourra aisément montrer la variété des point de vues, fondés en tout cas le plus souvent sur les acquis des l’Antiquité.
http://www.lingue.unibo.it/Dottorati/Traduzione/Ricerca/terminologia.htm
http://www.italica.rai.it/principali/dante/schede/retorica.htm
http://www.exam.fr/se/fiche/Francais/1ere%20L/Les%20outils%20d'analyse/Les%20figures%20de%20style/Les%20figures%20de%20style%20syntaxiques/Les%20figures%20de%20construction%20et%20du%20signifiant.html
http://www.letteratour.it/stile/B02figret01.htm
http://www.lucianolombardi.it/Figureretoriche.htm
http://jaseur.free.fr/jaseur/figure.htm
http://www.hku.hk/french/dcmScreen/lang3033/lang3033_tropes_a_e.htm